Il y a 15 jours, j’ai eu la chance de vous présenter le témoignage de mon amie Claire, maman d’un enfant atteint d’une forme rare d’allergie alimentaire.
Dans Enfant « différent » : Comment tenir jusqu’au diagnostic, elle nous livrait 12 conseils tirés de son expérience pour ne pas craquer.
Et Claire a vécu une 2ème expérience rare : alors que la maladie de son fils n’était pas encore diagnostiquée, son mari a été muté aux Etats-Unis et toute la famille est partie s’installer là-bas.
Une expérience qui lui permet aujourd’hui de questionner pour nous la façon dont nous traitons la différence d’un enfant dans notre système scolaire français :
La différence est un problème pour l’école. Un problème qu’elle ne peut pas et ne doit pas gérer. Sous peine que chacun se fasse sa propre école avec ses propres règles. Sous peine de rompre l’égalité républicaine. Sous peine de renoncer à tous les principes qui ont fondé et fait la gloire de l’école de Jules Ferry.
Vraiment ? Et que se passerait-il si on essayait ?
Un enfant allergique bien intégré, qui mange à l’école des repas préparés par l’école, des parents qui se sentent soutenus et respectés dans l’épreuve qu’ils traversent. Rêvons-nous ? L’école a-t-elle été anéantie dans une chienlit où tout principe de vivre ensemble selon des règles communes aurait disparu ?
Les réponses dans cet article !
Points clés développés dans cet article
Le récit de claire illustre plusieurs compétences mises en oeuvre par l’administration de l’école et les enseignants de son fils pour que son intégration soit possible.
Magali : Comment est-ce que l’allergie « mystère » et le régime alimentaire très strict de votre enfant ont été acceptés par la crèche en France ? Avez-vous été accompagnés, encouragés, avez-vous dû vous battre ?
Claire : Quand nous étions en France, nous avons eu la chance d’avoir une crèche exceptionnelle, Babilou Madeleine si je peux la citer 🙂
Nous avons conscience d’avoir eu de la chance d’être là, d’autres enfants ayant la même maladie, sont régulièrement mis en contact avec leurs allergènes dans d’autres crèches
Ils ont toujours respecté le régime de notre fils, se sont intéressés aux développements, et via un psychologue qui est rattachée à la crèche, nous ont guidés quand à cause de ses allergies on allait dans le mur.
Par exemple, comme il était toujours aux biberon jusqu’à 2 ans, il nous ont aidés à faire une transition pour qu’il mange à table avec nous ; comme il ne découvrait aucune texture par la nourriture, il avait peur de toucher de nouvelles choses, ils l’ont donc poussé à découvrir des choses par la peinture, la pâte à modeler…
Le côté le plus dur avec la crèche était de maintenir le PAI (plan d’accueil individualisé) à jour ! Comme les médecins sont peu disponibles, difficile d’avoir le nouveau plan qui intègre les derniers développements.
Nous avons conscience d’avoir eu de la chance d’être là, d’autres enfants ayant la même maladie, sont régulièrement mis en contact avec leurs allergènes dans d’autres crèches.
Magali : Aux Etats-Unis, quel a été l’accueil des équipes enseignantes ? Quelles différences avec la France ? Ton fils peut-il tout de même manger à l’école ? Comment arrivent-ils à prendre en compte ses restrictions alimentaires ? Et ses progrès ?
Claire : Aux États-Unis, le choc des cultures a été très important au départ.
Comme il ne pouvait rien manger, il était au biberon. Son lait est vraiment ignoble et aucun enfant n’arrive à le boire directement, le biberon permet de faire « passer » le goût. Il est rentré dans une classe de 2-3 ans où le biberon n’était pas « autorisé » du coup ils ont voulu le forcer à boire à la tasse. Sauf qu‘il est resté une journée complète sans manger. En bonne française, j’ai envoyé un mail très dur et ils ont de suite accepté le biberon 🙂
Contrairement à la France où on nous poussait à avancer et où ses allergies était le sujet qui revenait toujours, ses enseignants ne demandent pas d’informations, c’est « annexe », c’est à nous de donner des nouvelles et des directives
Ensuite, ses enseignants ont respecté les règles que nous devions poser pour notre fils, là où en France chacun impose les siennes. Contrairement à la France où on nous poussait à avancer et où ses allergies était le sujet qui revenait toujours, ses enseignants ne demandent pas d’informations (ou très peu). Ce n’est pas qu’ils ne prennent pas le sujet au sérieux mais c’est « annexe », c’est à nous de donner des nouvelles et des directives.
Ils accompagnent notre fils quand ils le peuvent : il a dû faire 8 mois de thérapie pour apprendre à manger et ne plus avoir peur des aliments. Dès qu’on a eu le feu vert pour essayer à l’école, ils ont pris le temps de le faire manger, ils l’ont encouragé.
C’est effectivement toute une éducation de la différence : dans sa classe, à 2 ans, les autres enfants lui montraient comment manger et l’applaudissaient s’il réussissait à avaler quelque chose.
Aux anniversaires, aux fêtes d’école, je n’ai jamais eu aucune remarque, aucune question, aucun regard de travers parce qu’il ne mange pas ou que j’amène quelque chose pour lui.
Aujourd’hui son école lui prépare ses repas et il n’a eu aucune réaction depuis qu’ils le font (très difficile, même nous nous n’y arriverons pas toujours vu la quantité d’allergènes en cause).
Mercredi dernier, ils se sont trompés et lui ont préparé du fromage pour le goûter (changement d’équipe pour l’été je pense). Sa prof voyant ça, ne le donne pas et m’en parle le soir. J’envoie un mail le soir à la directrice (gentil cette fois, j’apprends) lui demandant de refaire le point avec la cuisine. Elle me répond sur le champ et en a parlé avec la cuisine et ses professeurs le lendemain matin.
La grande différence est qu’en France, tout le monde doit être dans la moyenne, les enfants différents sont vus comme un problème. Ici l’école se doit d’accueillir et de faire réussir tous les enfants
Donc sous un air de ne pas être très attentifs, ils se sentent tous concernés et répondent de suite à nos demandes. Ses professeurs sont tous très contents de voir ses progrès et me parlent des désagréments en classe (quand il est triste de voir les autres manger un gâteau pour un anniversaire par exemple), ils trouvent des moyens pour l’aider (lui donner de ses bonbons dans ce cas là).
Il va changer de classe le mois prochain, les classes sont reparties entre 2 bâtiments, ils ont décidé de le laisser là où il est. La seule différence est au déjeuner: dans l’autre ils mangent dans un réfectoire, ils ne nous en ont pas parlé mais il y a de grandes chances qu’ils aient choisi de la laisser là, pour qu’il continue à manger dans sa classe en étant plus surveillé.
Comme c’est une école privée pas besoin de lettre du médecin, nous leur avons fourni les documents à avoir en cas d’urgence, un descriptif de la maladie… Ils appliquent ce que l’on demande. Dans le public cela peut être plus difficile et il y a un peu le même système qu’en France de plan individualisé. Tout dépend de l’école et des adaptations qu’ils sont prêts à faire.
La grande différence est qu’en France, tout le monde doit être dans la moyenne, les enfants différents sont vus comme un problème (que ce soit allergies ou trop doué ou trop en retard). Ici l’école se doit d’accueillir et de faire réussir tous les enfants.
Un exemple tout bête : pour les enfants d’expatriés/d’immigrés, il existe un cours d’anglais spécifique « English as a second language », c’est peut-être le cas en France, mais je doute que ce soit systématique comme ici.
Magali : Comment anticipes-tu que cela se passera à l’école si vous rentrez en France ? Votre fils pourra-t-il manger à la cantine ? Si oui, dans quelles conditions : en apportant son propre repas ?
Claire : Je pense qu’en France il serait accepté mais nous devrions tout fournir.
La solution « française » nous a refroidis : il fallait qu’on apporte tout et pas question qu’ils réchauffent quoi que ce soit, et visiblement ce n’était pas un sujet qu’ils souhaitaient aborder
On a eu avant goût de France en visitant l’école française locale, la solution « française » nous a refroidi : il fallait qu’on apporte tout et pas question qu’ils réchauffent quoi que ce soit, et visiblement ce n’était pas un sujet qu’ils souhaitaient aborder.
J’ai de très mauvais souvenirs de la maternelle où je n’étais qu’intolérante au lait : à l’époque, ils nous donnaient des briquettes de lait le matin, ma mère me donnait des briquettes de jus d’orange pour remplacer. Je me souviens encore des institutrices qui ne voulaient pas que je les boive parce que les autres enfants en voudraient aussi…
Je n’ai pas vraiment envie que mon fils ait les mêmes souvenirs! Là où un enfant est déjà privé par sa santé, il faudrait encore plus le priver pour qu’il ne dénote pas.
Magali : Quelle est la réaction des autres parents ? As-tu vu une différence entre l’attitude des parents français et américains ? As-tu trouvé du soutien ? ou plutôt de l’incompréhension ?
Claire : Comme je le disais plus haut, ici c’est plutôt ce qui peut être vu comme de l’indifférence ou juste du respect. Au début, j’expliquais avant d’aller à un anniversaire, du coup certains parents m’ont envoyé la liste de tout ce qu’il y aurait à manger ! Alors que je voulais juste qu’ils ne soient pas vexés !
L’acceptation des autres devrait être un sujet de tous les jours, dans toutes les écoles
Les quelques parents avec qui j’en ai discuté, sont des parents qui m’en ont parlé car leur enfant à aussi eu des allergies. Je n’ai pas trop d’expérience par rapport à d’autres parents d’école en France.
L’acceptation des autres devrait être un sujet de tous les jours, dans toutes les écoles. En ce moment, il y a une campagne dans les écoles publiques de Houston « stop bullying » au moins le sujet est lancé !
J’ai l’impression que la différence n’est pas vue comme un problème dans son école, ce n’est pas forcément vu comme une richesse mais en tout cas pas comme un problème insurmontable.
Nous sommes également différents car français dans une école 100% américaine, et là, de même, ils nous ont aidé (ils ont fait venir une prof de français dans sa classe au début pour enseigner quelques mots pratiques à ses profs en français (couche, assis…), et pour le rassurer, ils nous ont expliqué la Saint-Valentin pour les enfants…) et prennent ce que l’on apporte – par exemple des cd d’Henri Dès 🙂 – sans jamais nous pousser.
Comment ça se passe chez vous ?
Vous êtes parents d’un enfant DYS-, TDA-H, surdoué, allergique, handicapé… d’un enfant étiqueté « différent » ? Le récit de Claire a résonné avec votre propre expérience ?
Je vous invite maintenant à faire 2 choses :
- Laissez un commentaire en bas de cet article pour partager votre expérience : Comment se passe l’intégration de votre enfant à l’école ? Quel soutien avez-vous reçu ? Comment le vivez-vous ?
- Partagez cet article avec vos amis sur Facebook en utilisant le « F » à votre gauche pour redonner confiance et encourager + de parents qui souffrent de la différence de leur enfant : non, elle n’est pas un problème ! oui, elle peut être prise en compte par l’école pour le bénéfice de tous !
Crédit photo : WavebreakMediaMicro
Bonjour,
Tout d’abord merci pour ce blog qui est une grande source d’inspiration. J’ai mis entre parenthèses ma carrière de professeur des écoles pour suivre mon conjoint à l’étranger et compte bien profiter de cette occasion pour continuer à me former.
J’aimerais apporter quelques précisions à cet article.
En France, c’est la municipalité qui gère la préparation des repas de la cantine dans les écoles primaires. Pour des raisons de moyens, très rares sont les communes qui acceptent de préparer des repas sans allergènes… Ainsi, les conditions d’accueil sont très variables selon les lieux de scolarisation. À Toulouse, ville où je travaillais, toutes les cantines disposent d’un micro-onde exclusivement dédié aux PAI pour au moins permettre aux enfants de réchauffer leur repas.
Une deuxième chose sur l’accueil des enfants non francophones.
En France, il existe des classes spécifiques appelées UPE2A (Unité Pédagogique pour Elèves Allophones Arrivants – L’Education Nationale a une passion pour les sigles incompréhensibles pour les parents !). Celles-ci sont destinées à l’accueil des élèves dont le français n’est pas la langue maternelle. L’objectif est que ces élèves intègrent progressivement une classe «ordinaire». Si ce sujet vous intéresse, je vous conseille le très bon documentaire de Julie Bertuccelli, « La cour de Babel » qui suit les élèves d’une telle classe en collège.
http://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=221636.html
J’espère qu’à son retour en France, Claire trouvera une équipe aussi bienveillante et attentive que celles que j’ai pu côtoyer dans ma très courte vie de professeur des écoles.
Bonne continuation !
Bonjour Laure,
Merci pour votre message !! Il est réconfortant de savoir que des écoles publiques, comme celle où vous avez travaillé, optent pour un traitement attentif et bienveillant de la différence 🙂
A bientôt sur Parents du 21ème siècle,
Magali.