Eleve intelligent question stupide
Gardez vos questions bêtes pour vous

 

Que celui qui n’a jamais renoncé à lever le doigt en classe pour poser une question ou donner une réponse lève la main aujourd’hui ! 

Et me laisse un petit message dans les commentaires 😉

Mais au fait, qu’est-ce qui a bien pu vous arrêter ? Voyons, ne serait-ce pas quelque chose comme ça :

  • la peur de voir la maîtresse lever les yeux au ciel
  • la crainte du soupir de désespoir du prof
  • le ras le bol d’entendre pour la 1.000ème fois « Ah ben M. Briand, c’est pas brillant comme question ! » (histoire vécue, souvenirs, souvenirs pour mon mari et mon beau-frère 😉 )
  • la honte de la remarque qui claque « Mais non, bien sûr ce n’est pas ça, Camille ! La prochaine fois, réfléchis avant de prendre la parole »
  • l’angoisse d’être pris les doigts dans le pot de confiture « Gabriel, si tu avais appris correctement la leçon sur les triangles isocèles, tu ne dirais pas une énormité pareille ! »

Et vous découvrez atterré que votre enfant traîne les mêmes casseroles que vous ! Que la participation en classe reste bien timide, que votre enfant ne répond que quand il est sûr, sûr, sûr et archi-sûr d’avoir LA bonne réponse. Et que les questions, il n’en pose pas… en plus ça fait un peu fayot auprès des copains, donc mieux vaut oublier 😉

Tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes, dans un joyeux immobilisme, un bizutage intergénérationnel, rassurant dans un monde qui change… si on ne savait aujourd’hui qu’être actif, engagé en classe est une des meilleures façons d’aimer apprendre, de libérer sa créativité, de communiquer efficacement avec les autres. Autant d’attitudes qui sont des qualités clés pour réussir et s’épanouir aujourd’hui.

Et d’ailleurs, vous avez peut-être remarqué, dans votre vie d’adulte, qu’être capable d’interroger ce qui se passe autour de vous, de prendre la parole en réunion, de questionner ce que vous dit le médecin, le technicien du service-après-vente, le propriétaire de votre appartement… sont des attitudes très importantes, non ? Attention, j’ai bien dit questionner, dialoguer… pas râler et contester systématiquement 😉

Alors, on fait comment ? Parce que bien sûr, un vague appel du prof « allez les enfants, posez vos questions ! il n’y a pas de mauvaises réponses » ça ne va pas suffire à déraciner un réflexe bien ancré, qui fait puissamment barrage au développement de l’intelligence de votre enfant.

J’ai découvert sur le site de l’Université d’Harvard deux courts exemples, très éclairants, qui montrent dans un langage de tous les jours comment les questions (et les réponses) stupides peuvent être balayées d’un revers de la main ou bien au contraire accueillies pour devenir un socle sur lequel l’intelligence des enfants s’épanouit en classe.

Note : Je ne suis pas tombée sur ces ressources par hasard, je tiens à donner l’entier crédit de cette joyeuse découverte à Ms Brooke Keels, l’enseignante de ma fille pendant 2 ans. Experte dans cette approche de l’inquiry based learning – qui malheureusement n’a pas encore de traduction officielle en français, on se contentera donc « d’apprendre en posant des questions » – j’ai été impressionnée par le climat qu’elle parvenait à créer dans la classe : des enfants actifs, impliqués, confiants dans les questions qu’ils posent, à l’aise pour explorer toutes les réponses possibles à une question, respectueux des idées des autres même lorsqu’elles apparaissent comme bizarres voire carrément incongrues… Merci pour tout Brooke 🙂 

Exemple 1 : Je te pose des questions mais j’attends LA bonne réponse
UNE question, UNE bonne réponse

Dans la classe de Monsieur A, les élèves sont en cours de science, penchés sur leurs manuels.

Il leur est demandé de résoudre un mystère plutôt rigolo du genre « qui est passé par là ».

Ils doivent pour cela lire attentivement le texte et les images dans lesquels sont glissés les indices.

Paul va voir Monsieur A à son bureau, tout excité par sa découverte :

« Je crois que je sais ce qui a pu se passer ! On dirait que les empreintes de l’animal vont vers le marécage puis elles disparaissent. Donc on pourrait croire que l’animal a plongé dans le marécage et que donc c’est un amphibien. Mais ça pourrait aussi être que l’animal a des pieds très différents des nôtres, qui ont laissé des empreintes comme « à l’envers » et que du coup l’animal n’allait pas vers le marécage, il en sortait ! »

Vous avez reconnu là l’imagination débordante de votre enfant ?

Réponse de Monsieur A : « Non, Paul, ce n’est pas ça. Retourne t’assoir et relis ce qui est écrit plus attentivement ». Puis Monsieur A s’adresse à la classe : « Les enfants, pour trouver la réponse, il faut que vous vous demandiez ce qui pourrait réellement se passer. Pas suivre toutes les idées qui vous passent par la tête. »

Après 10 minutes, Monsieur A clôt l’exercice « Bon, qui a trouvé LA réponse ? ». Un élève lève la main tout excité. Monsieur A lui donne la parole et écoute la réponse, puis il dit « C’est bien ça, c’est LA bonne réponse. Peux-tu expliquer aux autres comment tu as trouvé ? »

Exemple 2 : posez des questions, cherchez des réponses, nous verrons bien où cela nous mènera…
Enfant curieux envie d'apprendre
UNE question, DES tas de possibilités !

Dans la classe de Madame B, les enfants cherchent à trouver la réponse à un phénomène bien mystérieux qui se produit dans leur classe.

Chaque jour, à peu près à la même heure, un rayon de lumière éclaire soudain le sol de la classe.

Et les enfants se demandent « Mais d’où vient cette lumière ? » Ils explorent de possibles explications.

Maxime dit « Je pense que c’est peut-être quelqu’un qui allume une lampe de poche dans la direction de notre classe »

Jeanne propose « Peut-être que ce sont les décorations accrochées à nos fenêtres qui font que la lumière arrive d’un coup sur le sol »

Madame B répond « Notons toutes ces idées au tableau pour nous aider à nous en rappeler ». Et elle commence à noter ce qui a été dit.

Rose dit « Peut-être que c’est quelqu’un dans la classe qui allume cette lumière pour nous jouer un tour »

La classe commence à rire « Et comment quelqu’un de la classe pourrait nous jouer un tour sans qu’on le voie ? » dit Alexandre.

Madame B rappelle aux enfants que quand on réfléchit ensemble à un problème, il est important d’explorer des tas de possibilités, et que même des idées qui nous paraissent impossibles sont finalement peut-être possibles ou peuvent nous amener à d’autres idées nouvelles et intéressantes sur ce qui s’est réellement passé.

Madame B note donc l’idée de Rose au tableau. Après un petit moment, il y a une longue liste au tableau. Madame B demande aux enfants comment est-ce qu’ils pourraient réduire le nombre de pistes à explorer.

Chloé dit « Euh, je sais : le rayon de lumière sur le sol n’apparaît que les jours où il y a du soleil. Donc ça rend certaines explications plus probables que d’autres ».

Madame B lui répond « On dirait que nous devrions réfléchir un peu plus en détail à quand est-ce que le rayon de lumière arrive et à ce qui se passe exactement à ce moment-là ».

Comment ça se passe chez vous ?

Financer etudes fille fils
Et chez vous, on pose des questions bêtes ?

L’exemple 1, c’est ce que vous et moi avons connu la plupart du temps à l’école.

Et même en version plutôt sympa : Monsieur A s’adresse poliment aux enfants, il renvoie Paul à son manuel sans remarque (trop) désobligeante.

Et il demande à l’élève qui a trouvé la bonne réponse d’expliquer son raisonnement à ses camarades, plutôt que de faire la correction lui-même.

Et l’exemple 2… c’est l’école du 21ème siècle 😉 C’est-à-dire une approche qui

  • invite les enfants à prendre des risques
  • incite à poser des questions
  • valorise les erreurs comme des étapes normales dans l’exploration de problèmes
  • reconnaît qu’il n’y a pas une seule réponse possible
  • considère qu’être capable de construire un raisonnement et d’analyser des faits est plus important que de donner LA bonne réponse
  • pose que toutes les idées sont bonnes à partager
  • discute les idées pour leur capacité à expliquer le phénomène, à résoudre le problème posé et ne les regarde donc pas sous l’angle « bonne / mauvaise » « juste / faux »
  • exige d’accepter que, parfois, on se pose des questions auxquelles il n’y a pas de réponse

Après avoir lu cet article, vous avez… plein de questions ? Je vous invite maintenant à faire 2 choses :

  1. Laissez un commentaire pour partager votre avis et votre expérience : comment votre enfant apprend-il à l’école ? aimeriez-vous découvrir dans de prochains articles plus d’outils concrets pour que votre enfant apprenne avec enthousiasme, en s’appuyant sur cette approche « j’apprends en posant des questions » ?
  2. Partagez cet article avec vos amis en cliquant sur un des boutons à gauche du texte… pour que plus de parents découvrent que leur enfant ne pose JAMAIS de question stupide ! 

 

Crédit photo : Pictures newsZsolnai GergelyWavebreakmediaMicro

1 Comment on Comment faire des élèves intelligents avec des questions stupides

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