Je suis ravie de partager aujourd’hui avec vous une interview réalisée avec Charlotte Poussin, auteur du best seller « Apprends-moi à faire seul, la pédagogie Montessori expliquée aux parents ».
Qui est Charlotte Poussin ?
Si vous ne la connaissez pas encore, Charlotte Poussin est éducatrice Montessori diplômée de l’Association Montessori International. Elle a été directrice d’école Montessori et est aujourd’hui membre du conseil d’administration de l’association Montessori de France AMF. Elle a enseigné 15 ans dont 10 à l’étranger, entre l’Amérique du Sud et l’Amérique du Nord.
A son retour en France elle a été surprise de constater que la pédagogie Montessori y était encore mal connue et source de préjugés. Elle s’est donné pour objectif de mieux faire connaître cette pédagogie, en devenant l’auteur de plusieurs ouvrages très solides et sérieux sur le fond, tout en étant particulièrement clairs et accessibles aux parents. Une nécessité dans un univers où beaucoup d’idées pré-conçues et de fausses informations circulent encore !
C’est pour cette raison que son livre « Apprends-moi à faire seul, la pédagogie Montessori expliquée aux parents » figure en bonne place dans ma bibliothèque idéale 😉
Vous pouvez aussi la retrouver sur sa page Facebook, pour suivre son actualité.
Interview de Charlotte Poussin pour Parents du 21ème siècle
En cliquant sur le lecteur juste en-dessous, vous découvrirez l’enregistrement audio de cette interview :
Et en complément, voici la transcription de l’enregistrement. Vous y trouverez les 7 conseils de Charlotte Poussin pour bien choisir l’école de Montessori de votre enfant, si c’est un choix vers lequel vous vous orientez 🙂
Je vous retrouve en bas de cet article pour partager vos réactions ! Et avant d’entamer la lecture, j’ai une question pour vous : qu’avez-vous appris sur la pédagogie et les écoles Montessori dans cette interview ?
1ère partie : La pédagogie Montessori reste particulièrement pertinente au 21ème siècle
Magali : Charlotte Poussin, vous êtes l’auteur de « Apprends-moi à faire seul, la pédagogie Montessori expliquée aux parents ». La méthode Montessori a été créée dans la 1ère moitié du 20ème siècle. En quoi est-ce qu’elle reste pertinente pour les enfants d’aujourd’hui, dans un monde qui a beaucoup changé ?
Charlotte Poussin : C’est encore valable parce que ce que Maria Montessori a mis en lumière au début du 20ème siècle, c’est le fait qu’elle avait découvert un enfant universel, qu’elle appelait l’enfant nouveau. C’est-à-dire un enfant qui apparaît quand on laisse l’enfant libre de s’auto-éduquer, d’apprendre par lui-même et de développer ses potentiels.
Magali : Et ça, ça ne change pas ?
Charlotte Poussin : Ca ne change pas ! Un enfant auquel on fait confiance, qui est un enfant épanoui a des constantes, des qualités qui sont les mêmes.
Même si le contexte aujourd’hui évidemment a complètement changé, que l’environnement dans lequel il grandit a beaucoup changé et donc induit quelques différences. Mais l’enfant auquel ont fait confiance est un enfant épanoui, il y a un siècle et aujourd’hui aussi.
Il y a une phrase de Maria Montessori que j’aime beaucoup : « L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, mais une source que l’on laisse jaillir ». Et cela c’est toujours vrai ! Elle reprenait Montaigne qui dans les Essais avait écrit « L’enfant n’est pas un vase que l’on remplit, c’est un feu que l’on allume ».
Et dans la formule de Maria Montessori, l’enfant est encore plus actif : ce n’est pas un feu qu’on allume, il n’est pas passivement allumé, c’est lui qui jaillit. On pourrait prendre une autre image si l’on veut garder l’idée du vase : si l’enfant était un vase, c’est lui qui le remplirait. Ce que Maria Montessori mettait en lumière, c’est que l’enfant est le constructeur de l’homme, c’est l’enfant qui construit l’adulte qu’il va devenir.
Magali : Et donc la valeur de l’approche de Maria Montessori, dans un monde où l’on demande aux enfants de grandir pour devenir des adultes autonomes, confiants, créatifs – parce que l’on sait qu’ils vont grandir dans un environnement en plein changement et ce sera à eux d’être les acteurs de leur vie – est-ce que c’est de donner cette confiance, de donner aux enfants les moyens de voler de leurs propres ailes ?
Charlotte Poussin : Oui le maître mot, c’est le mot confiance. Nous sommes persuadés que l’enfant est capable de s’auto-éduquer et d’apprendre par lui-même, grâce à ce que Maria Montessori appelait l’esprit absorbant. Maintenant l’expression est vraiment consacrée : les enfants sont des éponges, ils apprennent en fonction de ce que l’environnement leur offre ou ne leur offre pas.
Et cela a été confirmé par les neurosciences. On sait que la synaptogénèse – qui est la multiplication des connexions entre cellules neuronales – est particulièrement forte dans la période entre 0 et 3 ans. Ensuite ça continue et commence à diminuer à la puberté.
Mais toute cette période de l’enfance est vraiment celle où l’enfant absorbe le stress s’il y a du stress autour de lui, la joie s’il y a de la joie autour de lui, de même, la confiance qu’on lui donne se transforme en confiance en lui et dans la vie. Cette confiance est quelque chose qui, si elle est bien affirmée dans l’enfance, reste très solide.
Magali : Donc ce sont des années qui sont vraiment fondatrices ?
Charlotte Poussin : Ce sont les années pendant lesquelles se consolide la base de toute la colonne vertébrale psychique. Je suis convaincue que l’on naît avec un trésor de confiance en soi, d’estime de soi, de désir d’apprendre, de curiosité intellectuelle. On voit bien quand les enfants naissent, ils sont des explorateurs et des chercheurs, des scientifiques nés. Ils cherchent en permanence, ils tâtonnent, ils posent des hypothèses, ils les vérifient, ils les réajustent en fonction de ce qu’ils observent. Ils font des suppositions, ils explorent en permanence, à nous en donner le tournis parfois ! C’est cette qualité-là qu’il faut préserver.
A coups de « touche pas à ci, touche pas à ça » « c’est pas le moment » « c’est l’heure de ci, c’est l’heure de ça », on casse cet esprit d’initiative, de création, d’innovation, de recherche qu’ils ont. Et c’est ce sur quoi Maria Montessori mettait l’accent : Attention, il faut respecter ces élans, ce qu’elle appelait aussi les périodes sensibles. Le fait que les enfants soient attirés dans l’environnement par ce qui leur permet d’apprendre. Eux savent ce qui est bon pour eux Et à quel moment ils en ont besoin pour se construire.
Magali : Est-ce que cela veut dire que la pédagogie Montessori construit la confiance de l’enfant en le laissant libre d’aller à son rythme, d’explorer à sa façon ?
Charlotte Poussin : Oui effectivement, elle préserve cette confiance en soi en lui permettant de respecter ses besoins fondamentaux qui sont notamment un besoin d’autonomie, un besoin de liberté. Alors ce n’est pas la liberté de tout faire. C’est la liberté d’évoluer dans un cadre qui rend cette liberté possible. Ce n’est pas une approche permissive où l’enfant est roi. C’est vraiment un cadre préparé, ordonné pour que l’enfant puisse y être autonome.
C’est un travail que l’on fait en amont sur l’attitude que l’on a, mais aussi sur l’environnement dans lequel l’enfant évolue, que ce soit une classe ou la maison, qui permet de ne pas être amené à lui dire en permanence « fais pas ci » « touche pas à ça ». Donc on essaie de mettre dans son environnement des choses qui lui sont favorables, attrayantes et qui sont à sa disposition, adaptées à sa force, à sa taille et qui stimulent cet esprit de curiosité qui est en lui.
2ème partie : Montessori, une approche qui développe harmonieusement les 6 attitudes de la réussite
Magali : Alors nous en avons parlé assez spontanément, sur Parents du 21ème siècle j’insiste sur l’idée que les compétences académiques restent importantes et nécessaires à maîtriser, mais que ce n’est plus suffisant pour réussir et s’épanouir dans le monde qui attend nos enfants.
Je parle de 6 attitudes clés à développer chez les enfants qui sont : aimer apprendre, cultiver sa créativité, développer son esprit critique, savoir coopérer, communiquer efficacement avec les autres, vivre avec éthique. Laquelle selon vous est plus particulièrement cultivée dans la pédagogie Montessori ?
Charlotte Poussin : J’ai envie de répondre très spontanément : TOUTES. Il n’y a pas d’échelle dans les qualités que l’on cherche à développer chez les enfants dans une approche montessorienne et elles sont toutes essentielles.
Il n’y a pas la qualité n°1, n°2… Je crois qu’on a vraiment une approche qui les prend toutes en compte. Parce que notre grand objectif c’est d’avoir des enfants qui soient confiants en eux, dans la vie, qui aient beaucoup d’estime d’eux-mêmes, de la créativité, un esprit d’initiative dont on vient de parler, et d’innovation pour penser hors du cadre.
Des enfants qui développent ainsi beaucoup de qualités non académiques, comme, par exemple l’empathie. C’est vraiment quelque chose qui est très présent dans l’approche Montessori. Il y a beaucoup de contre-sens là-dessus : beaucoup de personnes pensent que puisque l’enfant travaille à son rythme, souvent sur des activités individuelles en tout cas de 3 à 6 ans – ce qui n’est plus du tout le cas je le précise à partir de 6 ans où il y a beaucoup d’activités collectives –ça fait des enfants égoïstes. Alors que c’est l’inverse !
Cela fait des enfants qui ont un sens social et des qualités sociales très développées, qui ont un esprit de corps avec la communauté dans laquelle ils vivent. Des enfants qui développent non pas la compétition mais la coopération, non pas la rivalité mais la collaboration. On est loin de l’école où parler à son petit copain, l’aider ou lui poser des questions s’appelle tricher.
Au contraire on est dans une démarche où il y a grâce au mélange d’âge dans les ambiances Montessori une collaboration, un tutorat, un parrainage, une entraide permanente entre les enfants. Parfois entre un plus grand et un plus jeune, mais aussi entre des pairs, mais aussi parfois entre un plus petit qui aide un plus grand. Il n’y a aucune notion de hiérarchie intellectuelle dans les apprentissages.
Et puis ça leur donne aussi un grand sens de l’organisation et ça développe beaucoup leurs capacités à la concentration. Et ça je crois que c’est vraiment essentiel dans un monde qui bouge dans tous les sens, où on est hyper stimulés, où les choses vont très vite. Les enfants dans les ambiances Montessori apprennent à travailler en open space. Et ils apprennent les règles de vie de l’open space, à savoir : on est les uns à côté des autres, on est libre certes, mais la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres.
Cela ils en sont conscients dès le nido [Remarque P21S : de 0 à 18 mois] c’est-à-dire que l’ambiance que l’on fait régner est propice au respect de l’autre. Parce que l’enfant est fondamentalement respecté, il apprend à respecter ses propres besoins et ceux des autres. On en parle au quotidien. On parle aussi de la gestion des émotions, de la gestion des conflits. Et tout cela est propice à cette concentration, à cet esprit prosocial qui est vraiment – avec la créativité, l’esprit d’innovation – les qualités dont on a besoin au 21ème siècle. Cela permet d’avoir des potentiels et une personnalité harmonieusement développés.
C’est formidable d’être rempli de connaissances, mais si on est complexé parce qu’on a été dans un système où les erreurs ont été beaucoup plus soulignées que les points positifs, si on a peur de prendre des initiatives parce qu’on a été trop souvent jugé, si on est devenu dépendant aux notes, dépendant à l’évaluation extérieure, à la tape dans le dos, on est moins bien parti pour évoluer dans cette société où tout le monde va devoir créer son métier à long terme.
Magali : Alors Charlotte, on a parlé beaucoup de confiance en soi, de cultiver sa créativité, l’envie d’apprendre. Est-ce que la pédagogie Montessori va aussi développer l’esprit critique des enfants ?
Charlotte Poussin : Oui tout à fait ! Parce que l’enfant est considéré comme une personne dont la parole a une grande valeur, et ce dès la plus tendre enfance. On écoute l’enfant en se mettant à sa hauteur. On accorde une grande importance au contact visuel. L’enfant est compris dans ses émotions aussi, il y a un grand travail sur la gestion des émotions. Il y a une qualité d’écoute et une qualité d’échange, qui fait qu’il sent bien qu’il a une valeur et que sa pensée et son avis comptent.
Magali : Et cela le pousse à affûter sa réflexion ?
Charlotte Poussin : Exactement ! Ca l’incite à développer sa pensée critique et cela lui confirme le fait que réfléchir est important. Et puis l’esprit absorbant dont on a parlé tout à l’heure se transforme progressivement en ce que Maria Montessori a appelé l’esprit comprenant.
C’est important, on en parle moins : à partir de 5-6 ans, l’enfant développe une grande soif intellectuelle. Il a envie d’élargir son champ d’exploration, il se pose des questions physiques, mais aussi métaphysiques. Il explore un univers toujours plus large. C’est important de le laisser suivre cet élan et de l’aider à chercher ses réponses. Ne pas toujours les donner, guider la recherche.
Magali : Cette bascule se fait de façon spontanée ou doit-elle être encouragée par l’adulte ?
Charlotte Poussin : Les deux ! C’est-à-dire qu’elle se fait de façon spontanée chez tous les enfants, cela a vraiment été observé. Maria Montessori a décrit 4 plans de développement. Il y a le premier de 0 à 6 ans et le second de 6 à 12 ans et c’est vraiment à la bascule entre les deux que cela se passe.
Mais c’est tout de même étayé par l’environnement et par la proposition de l’adulte que cela se passe encore mieux. D’où l’importance de connaître ces étapes de développement et les caractéristiques de chacune. Et cet esprit comprenant je le décris dans un livre que je suis en train d’écrire sur la pédagogie Montessori pour les 6-12 ans, avec deux co-auteurs qui sont vraiment spécialisés sur cette tranche d’âge.
Et sinon tout au long de l’approche Montessori il y a quelque chose de fondamental qui est aussi propice au développement de la pensée critique et à l’auto-évaluation : c’est le contrôle de l’erreur.
Magali : Qu’est-ce que cela veut dire le contrôle de l’erreur ? Quand on pense erreur, on pense tout de suite sanction, stylo rouge et pas punition mais presque !
Charlotte Poussin : Alors là justement c’est vraiment l’autocontrôle de l’erreur. Et c’est une erreur qui n’est vraiment pas considérée comme une faute, comme une bêtise, comme quelque chose de mal, mais comme une étape vers la réussite.
L’erreur, c’est du tâtonnement et on apprend tous par essai-erreur, c’est la base de l’apprentissage. Les enfants en sont conscients. Quand on apprend à marcher, on trébuche, on tombe, on se relève. On n’en fait pas toute une histoire. C’est la même chose pour tous les apprentissages. Quand on s’exerce, en lâchant le stylo rouge, on peut travailler au crayon papier, on n’a pas peur de rayer et d’effacer.
On est vraiment dans une démarche de tâtonnement. L’erreur est conçue non pas comme quelque chose de négatif, mais au contraire comme quelque chose de nécessaire pour apprendre. Et ça stimule ! Quand l’enfant voit qu’il se trompe, ça le stimule à recommencer, à relancer l’activité.
Magali : Cet auto-contrôle où l’enfant se rend compte de lui-même qu’il y a une erreur et où il a envie de recommencer et de tâtonner jusqu’à ce qu’il y arrive, ça se fait comment dans l’approche Montessori ?
Charlotte Poussin : Ca se fait soit par le biais du matériel qui permet à l’enfant de s’auto-corriger. Cela peut être mécanique, par exemple un puzzle dans une boîte : une fois qu’il est terminé, la boîte doit se fermer. Si le puzzle est mal fait, la boîte ne se ferme pas. Ce sont des astuces vraiment pratiques.
Et l’autre chose, c’est dans l’attitude de l’adulte, le fait de ne pas prendre systématiquement l’habitude de dire « C’est bien, bravo ! » Bien sûr on encourage l’enfant, mais sans créer de dépendance – pas à la note, puisqu’on ne note pas dans l’approche Montessori – à la félicitation.
On préfère dire « Tu dois être content de toi ! » « Est-ce que tu penses que tu as réussi ? » « Qu’est-ce que tu ressens ? » « Tu as vu, c’est chouette, c’est sympa ! » plutôt que « Je suis content de toi » « Je suis fier de toi ». Non c’est plutôt « Tu dois être fier de toi ! ».
Et c’est par des toutes petites formulations de langage, qui comme ça ont l’air anodines, mais qui en fait sont très lourdes de sens. L’enfant naît en ayant envie d’apprendre pour lui-même. Et avec des tas de petites phrases, on le détourne de cette auto-motivation.
Et on l’incite à apprendre pour faire plaisir à ses parents, pour faire plaisir à son enseignant, pour faire plaisir aux autres, pour être admiré. Et non pas pour alimenter cette IMMENSE source de plaisir qu’on ressent quand on est satisfait de ce qu’on a fait.
Magali : Donc l’adulte dans une approche Montessori va se situer plus dans l’encouragement que dans le compliment, c’est ça ?
Charlotte Poussin : Exactement ! Observation et encouragement. Observation pour constater que l’enfant a une difficulté, pour revenir avec lui sur la difficulté. Pas forcément à brûle pourpoint, tout de suite en intervenant en disant « non, là tu t’es trompé ». Ca peut être à un autre moment, ni vu ni connu.
C’est toute l’idée : être très présent pour l’enfant qui cherche et presque absent pour l’enfant qui a déjà trouvé. C’est très subtil et c’est pour cela que ça demande une très grande préparation pour avoir cette attitude juste : aider sans trop aider, aider au bon moment.
3ème partie : 7 conseils pour bien choisir son école Montessori
Magali : Charlotte, pour les parents qui sont déçus par l’école traditionnelle, qui envisageraient de scolariser leur enfant dans une école dite alternative, quels conseils est-ce que vous pourriez leur donner ? Quels seraient les critères de choix ? Sur quels points faut-il être vigilants ? Quelle démarche adopter pour choisir LA bonne école, celle qui offrira cet environnement riche, stimulant, porteur dont vous parlez ?
Charlotte Poussin : La première chose, c’est de visiter l’école. L’intuition est essentielle (Conseil n°1). Il est important de rencontrer la direction de l’école, les enseignants. De veiller à la qualité de leur formation, à leurs diplômes mais aussi à leur qualité (Conseil n°2).
Ce qui est important pour la formation, c’est qu’elle ait été assez longue, que les enseignants aient fait des stages, qu’ils aient eu des temps de manipulation supervisée, qu’ils aient eu le temps de faire un travail de reconversion intérieure. Il ne s’agit pas d’avoir été seulement formé à présenter et manipuler le matériel Montessori – qui est extrêmement riche et qui nécessite une grande préparation – mais cela ne suffit pas.
Je me méfie des formations trop courtes, qui se limitent à la manipulation du matériel. Si le matériel est utilisé de façon didactique, on est très très loin de l’approche Montessori où l’essentiel est le libre choix de l’activité par l’enfant, où on présente le matériel et ensuite c’est l’enfant qui l’explore à son rythme.
Magali : Est-ce qu’en France il existe des formations qui sont réputées, qui offriraient un label de qualité de formation qui pourrait rassurer les parents ?
Charlotte Poussin : Je n’ai pas la prétention de connaître tous les centres de formation. Celle que j’ai faite et que j’ai trouvée très qualitative, c’est celle dispensée par l’Institut Supérieur Maria Montessori (ISMM), qui est affilié à l’Association Montessori Internationale.
A partir du moment où il y a une affiliation à l’Association Montessori Internationale, créée par Maria Montessori, il y a un gage de qualité (Conseil n°3).
Ce qui est important aussi c’est de prendre en compte l’expérience des enseignants. Bien sûr, il y en a qui à peine formés sont déjà formidables, tout ça n’est pas mathématiques ! De même qu’à l’inverse il y a des personnes qui ont le diplôme depuis longtemps, mais qui n’ont pas fait un changement complet de regard sur l’enfant. Il y a des personnes qui sont montessoriennes de nature, qui n’ont pas encore suivi la formation, mais qui ont déjà un respect total de l’enfant (Conseil n°4).
Magali : Donc pour choisir, intuition ! Se faire confiance en se demandant « est-ce que dans cette école je me sens à l’aise dans la relation avec la direction et les enseignants ? » Et puis diplôme et expérience des enseignants.
Charlotte Poussin : Exactement ! Et puis les qualités des enseignants et de l’équipe éducative avec un véritable esprit de service, de la bienveillance, de la patience… Tout cela se ressent lors d’une visite. Et puis aussi le fait d’être attrayants puisque ce sont eux qui seront un trait d’union entre l’enfant et le matériel.
Cela nous amène au matériel. Il est très important de visiter les classes et de voir que le matériel est soigné, bien ordonné, classé par aires avec les activités pratiques d’un côté, le sensoriel, le langage, les maths de l’autre. Il y a aussi une présence des sciences, de la géographie, de la musique, de l’art. S’assurer que tout cela est présent (Conseil n°5).
Et puis être vigilant aussi à l’emploi du temps. Parce que ce sont des indicateurs de sérieux, dans la mesure où il est important qu’une période de 2,5 à 3 heures soit dégagée tous les matins pour que les enfants puissent travailler en autonomie. Il ne s’agit pas d’avoir des ateliers Montessori 1h30 par ci, 1h par là. Il faut de grandes tranches de travail. Veiller aussi à ce qu’il n’y ait pas de cercle trop souvent, de cercle en début de matinée. Ce sont des points de vigilance et de bons indicateurs (Conseil n°6).
Magali : Est-ce qu’on peut demander à visiter l’école pendant que les enfants y sont pour réellement voir le climat dans l’école et pas uniquement se baser sur un entretien avec le directeur ou la directrice de l’école ?
Charlotte Poussin : C’est quelque chose qui se pratiquait beaucoup et j’y suis très favorable (Conseil n°7). Moi-même en tant qu’éducatrice, j’ai été très observée et ça ne posait aucun problème. Mais je ne vous cache pas qu’à l’heure actuelle, il y a un tel engouement, les demandes sont si nombreuses qu’il est devenu difficile de gérer – à moins d’être une classe de verre avec des observateurs en permanence – cette demande récurrente. Entre les journalistes, les parents prospects, les curieux, il y a énormément de demandes donc ce n’est pas facile à gérer.
Mais si on arrive à obtenir une visite en présence des enfants, c’est bien parce que ça permet bien de se rendre compte de ce qui se passe dans l’école.
Magali : Donc au-delà de ce que l’on peut lire ou entendre dans les médias, c’est une pédagogie qui suscite un réel intérêt ?
Charlotte Poussin : Oui tout à fait ! Depuis 8 ans à peu près, j’en parlais récemment avec des personnes qui confirmaient ce sentiment, depuis 2009-2010-2011, il y a une prise de conscience générale de la qualité de cette approche.
Magali : S’est-il passé quelque chose à ce moment-là ? Un tournant, un événement ?
Charlotte Poussin : Oui, il y a eu la crise ! Les gens sont devenus inquiets pour l’avenir de leurs enfants. Et puis les résultats de PISA, année après année, toujours aussi inquiétants. Donc il y a eu une grande prise de conscience, qui a eu lieu il y a plus longtemps dans d’autres pays.
Au Canada par exemple – où j’ai vécu longtemps – les parents sont vraiment conscients du fait qu’investir dans la petite enfance c’est vraiment investir à long terme.
Et comme ils paient tous – parce que l’école n’est obligatoire qu’à partir de 6 ans – ils sont dans une démarche de recherche « si je veux scolariser mon enfant avant 6 ans, si je veux mettre toutes les chances de mon côté ». Ils sont des chercheurs de pédagogie parce qu’ils choisissent de mettre ou de ne pas mettre leur enfant à l’école et ils choisissent dans quel genre d’ambiance. C’est pour cela que Montessori est très développé là-bas.
On a énormément de chance en France d’avoir une école gratuite, de qualité, qui fait que les gens se posent moins de questions. Mais l’écueil c’est que les gens ont mis plus longtemps à prendre conscience de la nécessité d’être extrêmement vigilant sur la qualité de l’ambiance proposée aux enfants en termes de confiance à l’enfant. Maintenant, ce qu’il faut qu’on arrive à faire, c’est à garder notre école accessible à tous mais à développer des pédagogies centrées sur l’enfant.
On a beaucoup parlé de ses qualités, on croit beaucoup au fait qu’il a un potentiel extraordinaire. Mais il a aussi une grande vulnérabilité. Et cette confiance en soi avec laquelle il arrive est très fragile. Et je crois que la plupart des adultes n’ont pas pris la mesure de la fragilité de ce trésor qu’est la confiance en soi, alors que c’est vraiment le moteur qui permet d’avancer toute la vie. C’est beaucoup plus difficile à reconstruire qu’à préserver.
Magali : Un grand merci, Charlotte !
Charlotte Poussin : Merci à vous, Magali !
Comment ça se passe chez vous ?
La pédagogie Montessori souffre encore en France de beaucoup d’idées reçues. Je vous invite maintenant à faire 2 choses :
- Laissez un commentaire pour partager votre avis : qu’avez-vous appris de cette interview sur la pédagogie et les écoles Montessori ? Quelle est votre expérience de Montessori ?
- Partagez cet article avec vos amis en cliquant sur un des boutons à gauche du texte… pour que plus de parents aient accès à des informations fiables sur Montessori et puissent faire un choix éclairé pour leurs enfants 😉
Envie d’en savoir plus ? Voici les livres et coffrets développés par Charlotte Poussin :
Crédit photo :
Bonjour, dans le cadre de mon master 1 MEEF (métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation), je réalise une étude sur l’efficacité de la pédagogie Montessori.
Ce questionnaire est anonyme. Les réponses que vous apporterez me permettront de confronter théories et expériences concrètes.
Je remercie d’avance tous ceux qui donneront de leur temps afin de faire progresser cette étude.
Questionnaire version élèves/anciens élèves :
https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSfzeX7i0YAenDK6Xago_IAQlsN2ACtw3Rv41nxMEMPDweOaPQ/viewform?usp=sf_link
Questionnaire version parents d’élèves :
https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLScXTljCfnz_1ip1AkQit-c_yVg0j_A0H0JJ-D35qjwZrWkstQ/viewform?usp=sf_link
Bonjour Olivia,
Je souhaite que la communauté Parents du 21ème siècle puisse vous aider dans votre étude. Auriez-vous la gentillesse de nous faire un retour sur vos conclusions lorsque votre étude sera terminée ?
A bientôt sur Parents du 21ème siècle,
Magali.
J’aurais aimé savoir si il y avait une continuité (collèges – lycées) Montessori? Autre question, Après cet apprentissage, Comment le cursus accueil-t’il ces enfants, vu qu’il n’y a pas de système de notations comment se présente le dossier scolaire?
Bonjour,
Il existe quelques collèges/lycées Montessori en France, mais très peu en comparaison du nombre d’écoles maternelle / primaire. Il est donc pertinent avant d’inscrire votre fille dans ce cursus de confirmer l’existence d’un collège/lycée près de chez vous.
« Comment se passe la réintégration dans le système classique ? » est une question que vous êtes parfaitement fondée à poser aux équipes Montessori que vous rencontrez. De mon expérience, l’école Montessori peut préparer un bulletin évaluant les compétences acquises par votre enfant en ligne avec les programmes de l’Education Nationale. Mais ce n’est pas une obligation, ce qui invite à être vigilante sur ce point.
A bientôt sur Parents du 21ème siècle,
Magali.
Bonjour Lafont,
Il y a hélas très peu de lycées Montessori en France : la plupart des écoles s’arrêtent au CP, quelques unes vont jusqu’en CM2, rares sont celles à offrir le cursus complet jusqu’au bac. Avec un peu de chance, il y en a une près de chez vous !
La question du dossier scolaire est très pertinente. Une école Montessori responsable doit faciliter la transition vers le système public, ne serait-ce que pour le cas où les parents déménagent et qu’il n’y a pas d’école Montessori à côté. Il n’y a effectivement pas de notes dans cette pédagogie, mais l’école peut vous proposer une évaluation des compétences acquises par votre enfant. Cette évaluation rejoint celle mise en place au collège par la précédente Ministre de l’Education Nationale et facilite donc la transition.
Personnellement, je n’inscrirai pas mes enfants dans une école Montessori qui refuserait de se préoccuper de leur possible retour dans le système classique 😉
A bientôt sur Parents du 21ème siècle,
Magali
Bonjour
Merci pour vos articles sur l’éducation. Je suis un jeune étudiant béninois. J’ai une passion pour l’éducation. Au fait, dans mon pays, on assiste de plus en plus à un échec de notre système éducatif tant les échecs des élèves aux différents examens inquiètent beaucoup. Pour la plupart des acteurs de l’éducation, cela est dû au fait que les enseignements ne sont pas parfois adaptés à nos réalités socioculturelles, économiques et autres.
Certains n’hésitent pas à blâmer les parents, les élèves ou encore les enseignants, sans pour autant mettre l’accent sur le climat scolaire qui me semble-t-il est fondamental dans une approche pédagogique de Maria Montessori. Et je pense qu’il serait bien aux tenants de l’éducation béninoise de penser à cela.
Mais la question que je me pose, est-ce que cette pédagogie reste valable à tous les endroits du monde, puisque les réalités ne sont pas les mêmes?
Bonjour Comlan,
Merci beaucoup pour le partage de votre connaissance du système scolaire béninois ! Je suis désolée d’apprendre que, comme en France, il y a une tentation de blâmer les uns ou les autres (parents, enseignants, élèves…) pour expliquer les difficultés actuelles, car cela cause au final beaucoup de souffrances individuelles et ne fait avancer personne 🙁
Pour répondre à votre question : oui, on retrouve aujourd’hui l’approche pédagogique de Maria Montessori aux quatre coins de la planète. Les écoles Montessori sont par exemple très développées en Inde, où Maria Montessori s’était réfugiée pendant la seconde guerre mondiale. Pour avoir visité des écoles Montessori en Malaisie, en France, aux Pays-Bas… une chose saute aux yeux : partout la philosophie reste la même, en revanche chaque pays s’approprie le matériel, les activités, l’organisation de la classe avec sa propre culture 🙂
A bientôt sur Parents du 21ème siècle,
Magali
L article se limite à souligner la relation adulte/enfant: l’enfant auto apprend, s’auto corrige ( éléments déjà présents dans la pédagogie Freinet). Il aborde peu la relation enfant/enfant´; l’article parle certes de coopération entre enfants mais qu’en est-il de la gestion des conflits entre enfants? Griffures, morsures’,coups ……
Bonjour Vaury,
Merci pour votre message ! Vous mettez le doigt sur un point crucial, qui est aujourd’hui peu présent dans le débat sur la pédagogie Montessori : dans les écoles Montessori, comme dans toutes les écoles, il y a des conflits entre enfants. Apprendre la coopération et la résolution non-violente des conflits demande un réel savoir-faire, et il est essentiel que la formation des éducateurs intègre cette dimension 😉
A bientôt sur Parents du 21ème siècle,
Magali