Ce mercredi sort en salles un film qui décoiffe ! « Le cerveau des enfants » est une plongée dans les neurosciences et explique comment les expériences de l’enfance façonnent le cerveau. De l’émotion à l’apprentissage, le film présente le point sur les dernières connaissances pour accompagner – en tant que parent, enseignant ou éducateur – les enfants dans la réalisation de leur plein potentiel, et leur permettre de s’épanouir.
Samedi 26 mai, je participerai à Issy-les-Moulineaux à une projection suivie d’une table ronde avec la réalisatrice, Stéphanie Brillant, et l’équipe des Petits Ecoliers, école au croisement de Montessori et des neuro-sciences.
Si je vous en parle, c’est parce que je serais ravie de vous y retrouver et d’échanger avec vous samedi ! Et aussi parce que cela m’a donné le privilège de visionner le film en avant-première 😉
Voir ce film a été un immense plaisir !! C’est émouvant de voir rassemblées ici et présentées au public français des personnalités qui sont en train de changer la façon dont nous voyons les enfants et leur capacité à grandir, à apprendre : Caroll Dweck, Daniel Siegel, Mathieu Ricard… font partie de ces explorateurs du cerveau humain dont je suis les travaux avec admiration depuis des années 🙂
Emouvant aussi de voir à l’écran ces écoles – à l’image de celle où ma fille aînée a été scolarisée en Asie – dont je vous parle depuis la création de Parents du 21ème siècle : des écoles où les enfants sont heureux d’apprendre, où la diversité de leurs talents et de leurs rythmes d’apprentissage sont vues comme une richesse et non comme un problème. Ces écoles ne sont pas des écoles de riches réservées aux enfants de la high tech californienne : Stéphanie Brillant nous emmène au coeur d’écoles « à problèmes » où des pédagogies innovantes incarnées par des enseignants ultra-formés et passionnés réalisent de petits et grands miracles chaque jour !
Faut-il aller voir le film ? Oui bien sûr ! Vous allez apprendre beaucoup de choses. Une avalanche de choses nouvelles même. Cela vaut le coup de prendre son temps avec ce film, de le voir et le revoir. De le compléter en allant lire les livres de ses intervenants qui ont été traduits en français. Je fais confiance à votre curiosité et votre patience là-dessus 😉
« Le cerveau des enfants » risque aussi de vous confronter à de grandes questions : Que faut-il changer aujourd’hui dans notre façon de faire à la maison et à l’école pour développer tout le potentiel des enfants ? Avons-nous tout faux avec notre modèle d’éducation à la française ? Comment faire pour que l’école bouge enfin et offre aux enfants une éducation plus joyeuse, plus épanouissante, plus respectueuse de leur diversité ?
Je vous propose ici mes pistes de réflexion. Retrouvez-moi en bas dans les commentaires pour partager vos interrogations et vos idées !
1. « Que faut-il changer aujourd’hui à la maison et à l’école pour développer tout le potentiel des enfants ? »
Le cerveau des enfants nous montre que les enfants ont une capacité à apprendre bien supérieure à ce que l’on a longtemps cru. Mais que cette capacité et cette envie d’apprendre sont fortement influencés par l’environnement et les expériences que les adultes – parents et enseignants – leur proposent. Et le film ne nous laisse pas démunis en termes de solutions : il montre qu’il existe aujourd’hui des tas de techniques, d’approches, d’outils pour aider les enfants à développer leur potentiel d’apprendre et de communiquer.
Certaines de ces approches sont anciennes : la musique, la danse, le sport, raconter des histoires (une approche peu évoquée dans le film, mais qui a un pouvoir extraordinaire pour captiver l’attention et développer l’imaginaire)… Ce qui est nouveau, c’est que grâce aux neurosciences et aux sciences cognitives, on commence à mieux comprendre « pourquoi et comment ça marche »
D’autres approches présentées dans le film sont plus récentes, du moins en France : la méditation de pleine conscience, expliquer aux enfants le fonctionnement du cerveau, l’esprit de croissance (le pouvoir de croire que « je peux m’améliorer » vs. la conception que « je suis intelligent » ou « je suis nul en maths »). On pourrait aussi citer philosopher avec les enfants, comme nous y invite Frédéric Lenoir (cette approche n’est pas citée dans le film, mais elle est dans le même esprit).
Certaines des pédagogies présentées dans Le cerveau des enfants sont tellement récentes qu’elles n’ont pas encore de nom en français : par exemple le student-led learning – apprentissage mené par l’enfant – ou l’inquiry learning dans lequel les adultes partent des questions que se posent les enfants pour leur transmettre les savoirs. L’inquiry learning, c’est implicitement ce que l’on voit dans le film avec les abeilles : le projet est très probablement parti d’une volonté des enfants de s’intéresser aux abeilles plutôt que d’une décision des enseignants « au programme aujourd’hui vous allez apprendre les abeilles »
Là où le film peut nous laisser avec une sensation de tourbillon, c’est qu’il y a tellement d’approches, d’outils, de techniques ! Comment tout faire ?
La réponse est simple : On ne peut pas TOUT faire ! Imaginez, si avec les meilleures intentions du monde, vous soumettez vos enfants chaque jour à 1h à 2h de musique, 30 minutes de méditation, 30 minutes de cours sur le cerveau, 2h de récré et de sport, 2h à 3h de temps libre… en plus des bases qui demandent un peu d’entraînement spécifique (compter, lire, écrire…). Ça fait beaucoup trop !
Ce qu’il faut comprendre, en regardant ce film, c’est que toutes ces approches ont quelques points communs, à commencer par leur philosophie :
- la conviction que chaque enfant peut apprendre
- le respect de la diversité des enfants : tous les enfants n’ont pas les mêmes talents, ils n’apprennent pas tous au même rythme
- l’inclusion : l’idée que la diversité des enfants est une richesse pour l’apprentissage, qu’il ne faut pas stigmatiser les enfants « en avance » ou « en retard » et qu’il ne faut pas mettre à part les enfants différents : surdoués, DYS…
- la cohérence et le respect de la parole donnée : l’adulte fait ce qu’il dit et dit ce qu’il fait
- la bienveillance : voir chez l’enfant ce qu’il a déjà réussi et ce qu’il peut encore apprendre, plutôt que d’insister sur ses manques, sur ce qu’il ne sait pas encore. Résumé en une phrase : « Tu n’as pas encore réussi » plutôt que « tu as échoué »
- l’engagement des enfants : dans ces approches, l’enfant n’est jamais passif, à roupiller dans un coin la classe pendant un cours magistral. Les enfants sont absorbés dans ce qu’ils apprennent, et se sentent responsables de leurs apprentissages : ils n’apprennent pas parce que c’est obligatoire, pour avoir une bonne note, mais parce qu’ils ont envie d’apprendre
- l’encouragement et la valorisation de l’effort plutôt que du résultat : l’erreur est perçue positivement, comme faisant partie normale du processus d’apprentissage et d’action.
- l’exigence. Attention à ne pas se méprendre : les approches présentées dans le film sont des approches exigeantes, qui demandent des efforts aux enfants !
Ces approches ont aussi en commun de développer le même type de compétences. Des compétences qui sont aujourd’hui unanimement perçues comme clés pour réussir et s’épanouir au 21ème siècle, dans des sociétés en profonde mutation :
- l’envie d’apprendre
- la curiosité et la créativité
- l’esprit critique
- la persévérance et la résilience
- s’ouvrir aux autres
- mieux se connaître et s’accepter
- l’éthique
Le « bon » mode d’emploi du foisonnement d’approches présentées dans le film, c’est d’en comprendre la philosophie et les objectifs (les compétences développées). Et ensuite, de se réjouir de la formidable possibilité de choisir, parmi toutes ces approches, celles avec lesquelles nous et notre enfant, nous et nos élèves sommes les plus à l’aise !
Le seul problème que vous allez rencontrer en vous engageant dans cette voie (qui n’en est pas vraiment un à mes yeux) c’est que quand vous transmettez ainsi aux enfants, ils n’ont plus trop envie des vieilles façons d’apprendre arides, désincarnées du cours magistral. Alors, plutôt que d’accuser les enfants de manquer d’intérêt, nous avons le challenge passionnant de revoir notre façon de faire ! « Si un enfant n’arrive pas à apprendre de la façon dont nous lui enseignons, alors nous devons lui enseigner de la façon dont il apprend » Ignacio Estrada
2. « Mais alors, on a tout faux avec notre modèle d’éducation à la française, à l’école et à la maison ? »
On ne va pas se mentir, quand on regarde le type d’éducation qui est présenté dans Le cerveau des enfants et qu’on regarde ce qui est encore le modèle d’éducation dominant en France, il y a un gouffre !!!
On pourrait se rassurer en se disant que « c’est bien américain quand même tout ça »… et ce serait se tromper : le type d’éducation qui est présenté dans le film est le nouveau standard que l’on retrouve dans les meilleurs systèmes éducatifs de la planète, que ce soit la Finlande et les pays nordiques, l’International Baccalaureate, les écoles pionnières aux quatre coins de la planète…
Alors, est-ce qu’on a tout faux en France ? Si on regarde deux minutes dans le rétroviseur du passé, on peut se rassurer en se disant que notre modèle d’éducation a super bien fonctionné : notre pays a acquis un rayonnement mondial, nous avons construit le château de Versailles avec Louis XIV, propagé l’idéal des Lumières avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, donné naissance à pléthore de grands écrivains – Racine, Victor Hugo, ou plus récemment JMG le Clézio – nous comptons 35 prix Nobel de physique, chimie et médecine, 15 médailles Fields en maths, nous avons réinventé les jeux olympiques avec Pierre de Coubertin… pas de quoi rougir !
Alors pourquoi vouloir changer ? Parce qu’aujourd’hui, nous assistons et nous participons à une révolution. Une révolution de la connaissance et de la communication à l’échelle de la planète. Par son ampleur, elle peut se comparer à la révolution industrielle avec l’invention de la machine à vapeur, qui a bouleversé les modes de vie des gens.
Je vous donne un exemple pour mieux comprendre 😉 Quand j’étais petite et que je voulais faire une mousse au chocolat, c’était simple : je demandais la recette à ma maman, ou ma mamie, ou à la voisine. Aujourd’hui, si mes enfants veulent faire une mousse au chocolat, ils peuvent toujours me demander la recette de mamie (je l’ai encore avec son écriture !). Mais ils ont beaucoup d’autres options : ils peuvent aussi me demander d’acheter un livre d’un pâtissier star, comme Pierre Hermé. Ou ils peuvent chercher sur YouTube la recette d’une blogueuse new-yorkaise ou d’une animatrice télé japonaise. Et cerise sur le gâteau, ils peuvent interagir avec elles et avec leurs fans : la recette est-elle bonne ? Zara du Bangladesh explique qu’elle a rajouté une gousse de vanille, Pablo en Argentine a testé une pointe de piment… Les connaissances de l’humanité sont désormais à portée de clic et s’enrichissent en permanence de façon participative !
Pour s’approprier avec succès cette révolution – pour en être des acteurs épanouis et non des spectateurs impuissants – nos enfants ont besoin d’une éducation qui stimule mieux tout leur potentiel d’apprendre et de communiquer. Cette éducation, c’est celle qui est présentée dans Le cerveau des enfants.
Avant la révolution industrielle, pour aller voir la grand-mère de Marseille, il fallait 10 jours à cheval. Aujourd’hui, il faut 3h en TGV. Bien sûr, il y a toujours des cavaliers passionnés aujourd’hui et l’art équestre reste profondément vivant. Mais même les cavaliers chevronnés prennent le TGV pour aller voir mamie 😉 Aujourd’hui, en tant que parents et enseignants, nous avons un choix à faire face à la révolution de la connaissance et de la communication qui est devant nous : Voulons-nous que nos enfants continuent à cheval ? Ou qu’ils prennent le TGV ?
3. Comment faire pour que l’école française bouge enfin ?
Franchement, quand vous voyez des écoles comme celles présentées dans Le cerveau des enfants, vous rêvez que votre enfant aille dans une école comme ça, non ? Si ça ne vous fait pas rêver, dites-moi pourquoi dans les commentaires 😉
Les nouvelles connaissances sur le cerveau des enfants présentées dans le film nous disent 2 choses :
- Chaque enfant peut apprendre, chaque enfant peut progresser, chaque enfant a un potentiel extraordinaire
- Et en même temps, tous les enfants sont différents, ils n’ont pas les mêmes talents, n’apprennent pas au même rythme
Le problème, c’est que ces 2 affirmations sont à l’antipode de l’école d’aujourd’hui en France qui nous dit que :
- Il y a des enfants doués, intelligents et d’autres en difficulté. Et au passage le milieu social joue un rôle énorme là-dedans : la France est le pays au monde où la trajectoire scolaire des enfants est le plus définie par leur origine familiale
- Tous les enfants doivent apprendre au même rythme, le même programme scolaire chaque année
Donc Le cerveau des enfants interroge sérieusement la façon dont nous voyons nos enfants en tant que parents et la façon dont l’école les voit ! Face à ces nouvelles connaissances en neurosciences et en sciences cognitives, notre génération d’adultes doit être modeste : nous découvrons tout juste l’ampleur de notre ignorance sur la façon dont l’être humain apprend. Il est donc urgent de sortir du schéma classique où le prof sait tout et le parent est ignorant. Attention, je ne dis pas que les parents doivent prendre la place des profs 😉 Mais il est souhaitable qu’un dialogue s’instaure pour apprendre ensemble à créer les meilleures conditions d’apprentissage pour nos enfants. NOUS DEVONS APPRENDRE ENSEMBLE POUR QUE NOS ENFANTS APPRENNENT !
PS : Pour découvrir comment ouvrir un dialogue de confiance avec les enseignants et sortir du schéma où « le prof sait tout, le parent est ignorant », je vous invite à découvrir Le Manuel de Survie à l’usage des entretiens Parents-Profs 😉
Bonjour
Je suis toujours 😉 prof de maths dans un collège.public..j’ai ces idées depuis un moment déjà et je suis d’accord sur …. tout MAIS je m’épuise !! Je ne vois pas , mais pas du tout, comment faire qd on est enfermé ds un programme et avec des classes à 30 élèves . Je suis d’accordialement pour l’école inclusive mais pas ds ces conditions !
Je re jette une bouteille à la mer, comment faire ???? Je ne peux pratiquement plus lire ce type de réflexion car j’ai vraiment mal de savoir sans pouvoir et je me sens tellement inutile. Je le redis je ne déprime pas mais je suis prisonnière de cette école en petite fonctionnaire obéissante.
Alors encore une fois que puis je faire concrètement ??
J’ ai mes antennes pour détecter ces enfants hpi dont les passions sont souvent utilisées à mauvais escient et qui dérapent et/ou décrochent et sont en grande souffrance.
Que puis-je faire ????
Je le réécris : quitter ce navire qui broie tt sur son passage ? Pas d’accord …. pour l’instant !
Une prof et une mère en souffrance
Bonjour Sylvie,
Merci pour votre commentaire, je suis très touchée de vous lire ! Souvent les parents m’écrivent « Mais pourquoi les profs ne changent pas ? ». Votre témoignage apporte une réponse de valeur : parce que c’est difficile de changer dans le système éducatif actuel 🙁 Malgré les messages affichés sur « la réussite de tous les élèves », notre école fonctionne encore largement sur un modèle méritocratique et compétitif, pour reprendre le rapport de France Stratégie
Il est très difficile de vouloir faire changer les choses seul et votre volonté de poursuivre dans l’Éducation nationale malgré les difficultés a toute mon admiration. Je pense à deux alliés pour vous :
– les enseignants qui, comme vous, veulent faire bouger les choses : j’aime par exemple beaucoup l’équipe d’EduVoices, qui fait un travail remarquable pour diffuser des pratiques innovantes et organiser du soutien entre enseignants
– les parents : si vous changez votre façon de faire, au profit d’un enseignement qui respecte mieux la diversité des enfants, parlez-en aux parents, expliquez leur ce que vous êtes en train de faire… et vous trouverez certainement des parents qui soutiendront votre approche (en tout cas il y en a plein sur ce blog !)
A bientôt,
Magali